La genèse de mes romans
Je laisse souvent libre cours à mon imaginaire dans les trains ou sur les autoroutes. C’est lorsque j’ai l’esprit flottant que naissent mes idées. Je les note sur des petits carnets, parfois je les oublie. Le temps de gestation peut se prolonger des années. Enfin, vient le jour où j’ai envie d’en écrire un roman.
Le sujet de mon premier livre, La Femme éclaboussée, paru en 2000 et réédité en 2014, a germé dans mon esprit alors que je me trouvais dans un square. Lycéenne à l’époque, j’en commencerai la rédaction trente ans plus tard. Longtemps persuadée d’avoir écrit une fiction, je n’ai compris que récemment que j’y avais transposé et transformé un épisode déplaisant de ma vie d’adolescente. C’est ce que je relate dans Cet autre amour, paru en 2017 dans un chapitre intitulé l’inconscient du roman.
Je me trouvais devant la Pyramide du Louvre lorsque j’ai eu envie de raconter une histoire qui lierait la Shoah et le mouvement hippie. C’est une maison bleue (2002) est le seul roman que j’ai écrit en écoutant de la musique. Bach et Schubert mais aussi Bob Dylan, Léonard Cohen, les Pink Floyd, Santana… Je m’étais tellement attachée à mes personnages qu’il m’a été très difficile de m’en séparer le moment venu.
Jusqu’où peut aller une passion amoureuse ? Maud à jamais (2003) est un thriller amoureux que les hommes aiment souvent beaucoup. Peut-être se retrouvent-ils un peu dans le personnage de François.
L’éloge de la cellulite et autres disgrâces (2006) est un recueil de nouvelles caustiques que j’ai débuté alors que j’étais particulièrement révoltée par la dictature de l’apparence que nous impose la société. Cela a été si jubilatoire à écrire que j’aimerai renouveler l’expérience avec une comédie.
J’ai imaginé une jeune fille qui se réveillerait un matin avec la certitude qu’elle allait rencontrer le grand amour. Elle habitait rue Delambre et je voulais la faire déambuler dans les rues de Paris. C’est le point de départ du thriller psychologique Délit de fuite (2009).
Le drame bourgeois Intuitions (2011) a commencé par la vision d’une piscine. Puis aussitôt, s’est esquissé dans mon esprit le terrible pressentiment d’une mère dont le fils est sur le point de se marier.
J’avais le désir d’écrire sur la splendeur et la chute d’un homme qui a brillamment réussi. Je voulais également aborder le thème encore si tabou de l’impuissance érectile et de la fragilité qui peut en découler. Lundi noir (2013) est à la fois un thriller financier et un drame humain.
En 2013, j’ai débuté une analyse. Presque immédiatement, je suis tombée amoureuse de mon psychanalyste. C’est ce qu’on appelle le transfert. Ma souffrance et mon ignorance sur le sujet du transfert amoureux (et du contre-transfert), moteur essentiel d’une analyse, m’ont conduite à vouloir me documenter pour comprendre ce qui m’arrivait. J’ai trouvé pléthore d’essais écrits par des psychanalystes, mais ce dont j’avais le plus besoin à ce moment-là, c’était de lire des témoignages de femmes. Progressivement, il m’est apparu évident, en tant qu’écrivain, que je devais combler ce vide en y relatant ma propre expérience du transfert. Le récit autobiographique Cet autre amour (2017) aidera toutes celles et ceux qui tombent en amour de leur analyste et qui taisent leur souffrance et leur incompréhension, leur culpabilité et leur honte.
Et puis il y a les livres que j’ai commencés et arrêtés mais que j’aurai peut-être envie de reprendre un jour. Ils me trottent dans la tête comme les premières notes d’une mélodie dont il me manquerait encore les paroles justes et les bonnes rimes pour que la chanson existe. Je laisse le temps faire son oeuvre.
Dominique Dyens